LES PERSIENNES/1

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Véronique Ellena

Chère Véronique,

Après ta remarquable série des « Invisibles » vue à Paris cet automne, j’étais impatient de découvrir tes dernières photographies réalisées en résidence à Bourg.

L’une de celles-ci m’a interpellé et je suis revenu la voir plusieurs fois pendant mes séjours marboziens à Toussaint et à Noël.

Cette photographie titrée « les persiennes » est pour moi un clin d’œil à la peinture, un hommage à la photographie, et un acte plastique contemporain.

C’est l’image horizontale d’une façade de maison avec, côté droit, une fenêtre étroite et verticale, dont les persiennes sont fermées, et côté gauche, l’ombre portée d’un arbuste.

Les lamelles inclinées des persiennes permettent de protéger du soleil tout en laissant passer un peu de lumière. Elles permettent aussi de voir à l’extérieur sans être vu.

Tu as composé de façon à ce que le blanc de la façade soit important et ce vide donne de la place à l’imagination. Dans ce grand fond, l’étroite fenêtre surlignée par l’ombre de l’encadrement en devient presque une meurtrière. L’ombre portée de l’arbuste qui lèche le bord inférieur gauche de l’image est entre taches solaires et radiographie.

Nous sommes en été et j’imagine, derrière ces volets, la pièce sombre et un filet de lumière qui crée un effet d’optique.

Je pense au dispositif de la camera obscura utilisé, hier, par Léonard de Vinci, et, aujourd’hui, par David Hockney, et bien d’autres artistes et scientifiques encore.

C’est l’ombre portée de l’arbuste, à la gauche de ton image, qui m’a fait penser à ça. Cet arbuste projeté sur la façade me dit qu’il l’est aussi à l’intérieur, sur le mur de la pièce obscure. Une fente laisse passer juste ce qu’il faut de lumière pour faire un sténopé.

Tu as planté des aiguilles à tricoter dans les fentes des persiennes. On peut penser à des baguettes de mikado mais telles que ces aiguilles ont été installées, de loin, j’ai pensé aux flèches plantées dans les corps des Saint Sébastien de Mantegna et du Perugin que je vois régulièrement au musée du Louvre.

Quand j’ai appris que derrière ces volets, il y a ta chambre d’adolescente, que ce pavillon était celui de tes parents, que les aiguilles trouvées à Tremplin sont un rappel de celles de ta grand-mère -et que tu quittes tout ça- ça vaut bien une mort symbolique. Cette image aurait ainsi valeur thérapeutique, mais bon, je ne suis pas psy.

Artistiquement,

Joël

Paubel

http://veronique-ellena.net/portfolio/

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