CHANSON

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Colloque international – Vendredi 12 et samedi 13 septembre 2014 – Université de Cergy-Pontoise « Ethnicité et Citoyenneté : socialisations scolaires, socialisations musicales »

Le colloque international « Ethnicité et Citoyenneté : socialisations musicales, socialisations scolaires » est l’occasion de réunir des chercheurs sur une question  socialement vive  et de faire date sur un sujet singulièrement peu traité dans le contexte politique et scientifique français. Parmi les pratiques culturelles, la musique et en particulier les musiques émergentes sont au coeur de la socialisation juvénile et participent à construire des sentiments d’appar­tenance. Entre mise en jeu du corps et voix politique, entre contre-culture et sous-culture, les musiques émergentes, partie intégrante des cultures juvéniles, véhiculent de manière privilégiée des ques­tionnements sur le monde.

La tradition de chanson sociale est le substrat idéologique de la « chanson française ». Dans la tradition française de prévalence de la signification, la chanson « engagée » est une question adressée au monde, une interrogation qui revendique une prise de conscience collective. L’artiste est alors celui qui s’autorise un droit de parole au service d’une vérité à dévoiler. La chanson « engagée » tient une place centrale dans notre culture nationale en ce que la chanson française s’apprécie à l’aune d’une prééminence affirmée d’un phrasé de la signification sur les dimensions mélodiques et rythmiques.

Depuis une vingtaine d’années, les discussions tant politiques, sociales que scientifiques autour du « modèle républicain français d’intégration » témoignent d’une difficulté à penser notre « vivre-ensemble » avec les cultures minorées souvent pensées à partir du concept d’ethnicité. L’arrivée en métropole de minorités fortement identitaires sur le plan culturel et religieux questionne notre modèle citoyen.

Comment comprendre comment se construisent aujourd’hui le(s) sentiment(s) d’appartenance des jeunes générations dans une France devenue pluriculturelle et pluri-confessionnelle, dans laquelle la présence des minorités a complètement bouleversé le paysage intégrationniste ?

Dans la production/reproduction/diffusion des discours ou des sentiments d’appartenance des jeunes générations, des espaces sociaux hétérogènes sont en interaction : l’École, les musiques émergentes, les collectifs d’engagement, les médias comme outils de production d’une culture musicale sont producteurs de discours et de représentations du vivre-ensemble. Le colloque questionnera particulièrement la place de l’École dans ces processus politiques : Quel est le rôle de l’École, en concurrence/complémentarité/indifférence avec d’autres instances de production de normes et de valeurs collectives ? Les contradictions entre une hyper visibilité normative de la diversité et les dénonciations de l’ethnicisation de la société ne contribuent pas à clarifier un débat que ce colloque viendra ouvrir. Le détour par des expériences étrangères pourra permettre de relativiser ou de confirmer  la fécondité du concept d’ethnicité.

Pour appréhender la construction du sentiment d’appartenance chez les jeunes générations, une approche transversale et combinée de leurs socialisations s’impose. Il importe de prendre en compte leur circulation permanente au sein de mondes sociaux aux normes sociales, culturelles et politiques hétérogènes. Le colloque envisagera de manière originale la problématique sociale autant que scientifique de l’identité nationale contemporaine au travers des processus de socialisations et de construction du/des sentiment(s)d’appartenance chez les jeunes générations

Le contexte social et politique impose de questionner la notion d’« ethnicité » qui, réduite à une dimension politique étatique-nationale peut avoir pour effet de limiter la compréhension des situations hiérarchisées, économiques, sociales, voire générationnelles dans lesquelles se jouent des relations interethniques. L’exacerbation des conflits et débats autour de la question de l’identité nationale française a eu pour effet de substantialiser les appartenances culturelles, ce que  ce colloque propose de déconstruire. Dans ce contexte, la  notion même d’« ethnicité » appelle à être questionnée. En quoi est-elle un concept fécond pour saisir la réalité nationale française ?

Des communications réfléchissant au concept d’un point de vue épistémolo­gique seront les bienvenues. Peut-on réduire des rapports sociaux de domina­tion à des variables culturelles voire culturalistes interprétées comme irréduc­tibles, quels sont les enjeux politiques et cognitifs des taxinomies sociales ?

Les propositions de communications s’inscriront dans l’un des axes suivants :

Axe 1 : L’ethnicité au prisme des lieux de production de discours

Les mutations contemporaines des socialisations affectent la construction collective de la citoyenneté. L’École en tant qu’institution, particulièrement en France, s’est historiquement constituée comme lieu cardinal de construction de la citoyenneté : les enjeux contemporains sont liés aux mutations du lien social contemporain et notamment aux nouvelles modalités identitaires de construction du vouloir-vivre collectif. L’École a longtemps été l’outil privilégié de la fabrique du citoyen français, institution à l’œuvre dans le processus de construction d’une identité commune faite de récits collectifs et de symboles partagés : l’école publique est née au moment de création du « sentiment national ». La citoyenneté en question est une citoyenneté républicaine plutôt que démocratique, pensée en congruence avec le type de société où nous vivons. Cette école, puissant vecteur d’acculturation, est désormais confrontée à la manifestation croissante des identités culturelles plurielles en son sein, lesquelles reflètent le caractère pluriculturel de la France.

Comment l’École aujourd’hui promeut le sentiment d’appartenance nationale ? Quelle place fait-elle effectivement à la diversité et/ou aux cultures minorées ? Quelle citoyenneté et quel citoyen fabrique-t-elle quand se complexifient les sentiments d’appartenance des jeunes générations à l’ère de l’identité plurielle et métissée et de l’hétérogénéité croissante des socialisations ?

Mais l’École est aujourd’hui  questionnée, concurrencée par les formes et modes de socialisation pluriels des jeunes : notamment  les cultures musicales émergentes. Dans un pays où est ancrée une tradition de chanson sociale, la production musicale est un vecteur de diffusion de discours et de représentations de la Nation et de la citoyenneté et de mise en forme des cultures minoritaires et des cultures populaires. Comment l’École négocie-t-elle avec des cultures musicales « vernaculaires » des jeunes, de plus en plus prégnantes et « expertes » ?

Dans l’espace de la production musicale, comment les artistes professionnels   relaient-ils et mobilisent-ils des thématiques de citoyenneté proches ? A quelles fins ? La chanson « mainstream » (y compris engagée) n’a-t-elle pas aussi des effets « normalisants » ?  Quels sont  ainsi les symboles et les représentations relatifs aux cultures minorées dans la chanson engagée ? Comment les discours sur l’altérité sont-ils produits ? Quels sont les lieux de discours légitimes pour les jeunes ? En quoi l’ethnicité est-elle un concept fécond ou pas  pour saisir les  enjeux, modalités et agents de socialisations musicales et /ou scolaires ?

Quel est l’espace de légitimation des cultures minorées ? Comment le récit national intègre-t-il des cultures minorées et comment réinterrogent-elles le sentiment d’appartenance nationale et la citoyenneté française ?

Il s’agira de se demander si, (comment et pourquoi) la musique peut servir les supports identitaires et en quoi les stratégies, agency, actions des individus dans ce domaine sont spécifiques face à d’autres socialisations.

Axe 2 :« Pratiques, usages et réceptions »

Il s’agira de questionner les enjeux collectifs d’une ré-interrogation de l’idée nationale par les processus d’acculturation au travers des mécanismes de légitimation/délégitimation des cultures minorées, dans un espace public ouvert (ou pas) à leur expression sociale : la musique et /ou l’Ecole. La musique est une des pratiques culturelles juvéniles centrales. Dans le cadre d’une sociologie des publics qui ne les réduit pas à des auditoires passifs mais les conçoit comme spect-acteurs, la chanson portant la voix de communautés d’individus pensées comme « opprimés » ont-elles facteurs « d’empowerment », cette réappropriation collective de sa propre histoire qui redonne du sens, qui reconduit même un espace collectif, celui du vivre-ensemble ? Une analyse comparée de la réception/appropriation/réinterprétation des musiques « non-minoritaires » par des publics qui ne le sont pas non plus… pourra en comparaison, mettre en lumière des marges qui ne sont pas celles de la stratification sociale des publics mais des réalités des modes de réception.

Entre émotions et identifications plurielles, un espace politique alternatif en gestation s’y reconstruit-il ? Quels sont  les mécanismes singuliers et collectifs de « ce frisson dans le dos » que suscitent les concerts ? Quels en sont les effets potentiels en termes de conscience politique commune ou d’affirmation identitaire  ou d’instrumentation marchande voire politique ? Dans l’espace scolaire les socialisations juvéniles sont agissantes. Comment le récit national scolaire socialise-t-il les jeunes générations ? Fait-il sens de la même manière pour tous les élèves ?

Les communications proposées questionneront la réception et l’appropriation des productions musicales des artistes professionnels et émergents écoutés par les jeunes générations et activés par la fréquentation de lieux culturels de proximité mais aussi les pratiques musicales juvéniles. Sont-elles du côté de la citoyenneté, du côté des revendications identitaires ou du côté de la désaffiliation ? Comment les enseignements touchant à l’identité collective sont-ils perçus par les enseignants et les élèves ? Ces perceptions renforcent-elles le sentiment d’appartenance ou l’amenuisent-elles ? Sont-ils révélateurs de nouvelles modalités d’acculturation des élèves dont la socialisation scolaire est concurrencée par d’autres instances, comme la musique ? Quelle citoyenneté construit l’École ? Quelle citoyenneté construit la chanson ?

Axe 3 : Ethnicité, conflits de normes, résistances

Les systèmes de représentations ne jouent pas un rôle dans les sociétés et les institutions du fait des problèmes réels rencontrés mais parce que ces problèmes ne se constituent comme tels, dans une époque et une société données, qu’en fonction d’un imaginaire central de l’époque ou de la société considérée. Dans notre imaginaire collectif, la question ethnique relayant la fracture sociale fait effraction. Elle a valeur de « trauma » dans un modèle républicain, faiblement réfléchi par notre société car vécu comme universel et universalisable. Des transformations sociétales majeures jalonnent l’effritement des mécanismes d’intégration autour de valeurs centrales incontestées.

Le pluriel s’amplifie dans les valeurs, les normes, les modèles culturels et ce particulièrement chez les jeunes générations. Dans un contexte de fragilisation des parcours juvéniles, la socialisation juvénile s’opère au travers d’épreuves qualifiantes ou disqualifiantes qui pèsent sur la construction des identités et débouchent sur la mobilisation de référents culturels, ethniques et religieux que la musique peut mobiliser, détourner, s’approprier.

Comme l’indique François Dubet au sujet des jeunes des cités, « les jeunes qui ne peuvent en appeler ni à une identité de travailleur, ni à une identité de citoyen, ni à des racines, inventent une « ethnicity », une nouvelle surgit de l’expérience même de la banlieue » (Dubet, 1991 p. 22).

Nous mettrons en questionnements ce diagnostic réduisant la variable ethnique à un parti-pris réactif. Dans quelle mesure est-il pertinent pour la quête de visibilité sociale des jeunes issus des minorités culturelles ? Face à une lutte des classes (classes sociales comme classes d’âge) apparemment euphémisée, la taxinomie, le pouvoir de nommer, est l’un des enjeux majeurs du pouvoir. La lutte pour les classements et la classification est un enjeu social majeur, si bien qu’il nous apparaît légitime et fécond de réinterroger « la fabrique du citoyen français ».

La musique concurrence-t-elle l’École dans ses constructions collectives ? Gérard Noiriel affirmait dans un colloque : « Les jeunes « d’origine immigrée » n’existent pas » : si les enfants de la deuxième et troisième génération conservent des particularités ethniques, religieuses, culturelles,  comment  saisir le sens de l’émergence de l’auto-désignation communautaire « Noirs », « Arabes » et lever la « confusion de l’identité nationale et de la tradition culturelle » ? Comment la chanson engagée, le rap, le hip hop ou la variété s’approprient-ils cette interrogation ? En quoi l’activation de la « musique » comme catégorie politique et sociale est-elle en œuvre ?

L’émergence de la conscience, de la revendication et de la reconnaissance de droits culturels renouvelle profondément le concept de citoyenneté. La société moderne a su tenir compte des revendications des droits civils et politiques, moins aisément de celles des droits économiques et sociaux.

Aujourd’hui, ce sont des « droits culturels » qui sont revendiqués. Comment le statut symbolique, historique, matériel de ces citoyens pensés comme ethniquement et culturellement différents, affecte-t-il ou pas le sentiment d’identité nationale des jeunes générations : au travers d’instances de socialisation (école, musique) sous la prédominance des signes et des discours qui sont susceptibles de réaliser performativement ce qu’elles donnent en représentation, dans un espace de l’affichage, de la (dé)monstration, de la « mise en signes » ?  Comment se construisent aujourd’hui le(s) sentiment(s) d’appartenance des jeunes générations ? Quelles sont les résistances ? Les conflits de normes qui orientent les représentations collectives ?

Comité scientifique Larue Allen (Professeure de psychologie, Université de New York),  Etienne Balibar (Professeur de philosophie, Université de Columbia), Odile Blin (Maître de conférences en sociologie Université de Rouen), Céline Braconnier ( Professeure de sciences politiques, Université de Cergy-Pontoise), Charles Calamel (formateur en sciences de l’éducation Laboratoire CREF, Université de Paris Ouest nanterre), Louis-Jean Calvet (Professeur émérite de linguistique, Université d’Aix-Marseille), Marc Crépon (Professeur,  de philosophie, Ecole Normale Supérieure , Paris), Olivier Cousin (Professeur de sociologie  Université Bordeaux Segalen ), Christine Delory-Momberger (Professeure de sciences de l’éducation, Université Paris 13), Antoine Hennion (Professeur de sociologie, École nationale supérieure des mines de Paris), Ferhat Kentel, (Professeur de sociolo­gie, Université de Sehir, Istanbul), Raphael Liogier (Professeur de socio­logie, IEP, Aix-en-Provence), Virginie Martin, politologue, Kedge Business School, Sylvie Octobre ( sociologue, chargée d’études au Ministère de la culture et de la communication),  Benjamin Stora, (Professeur d’histoire, Université Paris 13), Daniel Véron, chef du bureau de l’éducation artistique et des pratiques amateurs, DGCA (direction générale de la création artistique), ministère de la culture et de la communication, Sylvie Pébrier, inspectrice de la création artistique, collège musique, DGCA, ministère de la culture et de la communication, Alain Vulbeau (Professeur de sciences de l’éducation, Université Paris Ouest Nanterre), Roger Waldinger (Professeur de sociologie, UCLA, Los Angeles, EU), Geneviève Zoïa (Professeure d’anthropologie, Université de Montpellier II).

Artistes  :Abd Al Malik, Alpha Blondy, Jane Birkin, Anne Ducros, Drunk­souls, Kery James, Bernard Lavilliers, Médine, Menelik, Papa Wemba, Passi, Mino, Youssoupha, Zebda,

Comité d’organisation laboratoire EMA-UCP, Joëlle Bacha (docteure, sciences de l’éducation), Valérie Becquet (MCF sociologie), Anissa Belhadjin (MCF langue et littérature françaises), Florence Bray (PRAG Lettres), Luc Dall’Armellina (artiste, MCF arts), François Durpaire (MCF sciences de l’éducation), Alain Jaillet (Professeur sciences de l’éducation,), Laurent Jeannin (MCF sciences de l’éducation), Béatrice Mabilon-Bonfils (Profes­seure sociologie), Jean-François Nordmann (MCF phi­losophie), Joël Paubel (artiste, PRAG Arts), Sébastien Pesce (MCF sciences de l’éducation), Joëlle Plantier (MCF sociologie), Soumya Sylla (doctorante), et avec Nadine Puyol (PRAG philosophie), Steevy Gustave (directeur artistique et chorégraphe), Maguy Villette (professeure de chant, Avignon)

 

 

 

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