HISTOIRE

mai68
mai2018

Sciences Po saint-Germain : cours d’Histoire de l’art – Art & politique

Objectif : L’objectif de ce cours magistral de 20h , obligatoire en première année, relève de la culture générale et peut préparer à l’oral de fin d’année, mais pas seulement.
Les questions posées et développées au fur et à mesure des séances s’adressent directement à des étudiants de SciencesPo qui décideront ou non d’une carrière dans les métiers des arts, de la communication et de la culture
Nous verrons, dans ce cours qui traverse le temps, des grandes œuvres classiques à l’art contemporain, ce qu’est l’art engagé et l’artiste militant, l’art de propagande et l’artiste au service du politique, l’art institutionnalisé et l’artiste instrumentalisé, l’art dit social et l’artiste préoccupé par le vivre ensemble.
De la peinture d’histoire, de la fin de la période médiévale à Guernica, au geste politique dans l’art d’aujourd’hui, l’art prendrait de plus en plus les contours de l’art de vivre. « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » pour conclure avec l’artiste Robert Fillou.

Déroulement : 09/01 ; Le Théâtre du Pouvoir au musée du Louvre – 16/01 : La fabrique de la nation au Musée d’Archéologie Nationale – 23/01 ; Les figures du pouvoir au musée du Louvre – 06/02 ; La peinture d’histoire chez Raphaël – 13/02 ; Art et propagande à Versailles – 06/03 ; Le geste politique dans l’art contemporain – 13/03 ; L’art contemporain aux Ateliers Médicis – 20/03 ; La musique savante à Nanterre et à Athènes – 27/03 ; L’atelier populaire de mai 68

Intervenants : Suivant le programme et sous la responsabilité de Joël Paubel, professeur d’arts plastiques, avec des invitations faites à Juliette Charpin et Mahaut De Villeneuve Bargemon, Aurane Dibeu et Ludivine Poulet, Mathilde Malevergne et Hélène Ventimiglia, Alizé Jariod et Justine Caffeau-Martin, Justine Coulier et Léon Cambou, Paul Pradelle, Arnold Legœuil et Baptiste De Cara, Emma Brand et Diane Chefdor, étudiantes et étudiants de deuxième année de l’IEP, Hilaire Multon, directeur du Musée d’Archéologie Nationale, Olivier Roller, photographe, Sylvaine Laborie, professeure d’histoire de l’art à Paris 8, Alexandre Maral, conservateur général du musée de Versailles, Cécile Portes et Lamya Monkachi, responsables des AteliersMédicis, Laurent Cuniot, compositeur et chef d’ensemble, Alexandros Markeas, compositeur, Marie-Françoise Chavanne, inspectrice académique de l’Education nationale, Gérard Fromanger, artiste

Gérard Fromanger est toujours en lutte !

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Gérard Fromanger, 28 ans, peintre. Militant actif de l’atelier populaire des Beaux-Arts (Par Henri-François Debailleux in Libération du 15 mai 1998)

«L’atelier populaire des Beaux-Arts, l’invention et la fabrication
des affiches: tout a commencé cette nuit, à la suite de l’immense manifestation d’hier, la plus grande manifestation de mai, qui a fait basculer le pays. Nous, les artistes, on est dans le mouvement depuis dix jours, on se voit, on se rencontre dans les manifs. On s’est séparé de tout ce qu’on avait avant. On ne dort plus à l’atelier, on ne voit plus les mêmes filles, on vit dans la rue, chez les uns, chez les autres, dans des lieux occupés, bureaux de poste ou autres. On ne peint plus, on n’y pense même plus. On passe jour et nuit avec les copains qui manifestent et qui ne savent même plus où donner de la tête, tellement il y a de choses à faire et à penser. On ne dort quasiment plus.
Hier soir, donc, on a suivi Cohn-Bendit, après la grande manif depuis Denfert-Rochereau jusqu’au Champ-de-Mars. On ne voulait pas de dispersion, pas se séparer. On a discuté avec Jean-Jacques Lebel pour aller occuper l’Odéon. Avec Merri Jolivet, on a fait une immense banderole «L’Odéon est occupé». On s’y rend. Et nous, les peintres, on se dit qu’il faut aller faire quelque chose aux Beaux-Arts, qu’on ne peut pas les laisser vides, fermés. Les Beaux-Arts, c’est notre maison. Et puis, vers minuit, on se regarde avec Merri et on fonce rejoindre nos copains. Ils sont déjà trois sur place, plus quelques jeunes. Très vite, on apprend par un élève de l’école qu’il y a une presse litho à l’étage. On y va et on tire tout de suite une affiche, UUU (Usine. Université. Union). C’est la première, qu’on tire avec beaucoup de mal, à 30 exemplaires. Et on reste là. De 8, on se retrouve à 32, puis à 64, puis à 128. A midi, on est 300. Une vraie ruche. Un peu plus tôt, je suis sorti avec les UUU sous le bras pour aller les porter rue du Dragon, dans une galerie, afin de les vendre au profit des étudiants. Je n’ai pas fait deux mètres que 10 étudiants m’en fauchent, prennent de la colle et les foutent sur les murs. Même chose, cent mètres plus loin, avec celles qui me restent.
On décide alors de continuer. Il y a là Rougemont, qui vient d’arriver de New York et connaît la sérigraphie, et un jeune sérigraphe, Eric Seydoux, qui apporte le premier cadre de sérigraphie de l’atelier populaire des Beaux-Arts et qui commence à tirer des planches. On est 200 devant lui, parmi lesquels 15 ou 20 peintres, et on trouve ça magique, miraculeux. On se rend compte qu’on n’a pas besoin de machine offset. Le soir même, quatre ateliers de sérigraphie sont formés. En un mois, on va faire 800 affiches à 3 000 exemplaires, aussi bien pour les marins-pêcheurs de Boulogne que pour les postiers de Marseille. D’heure en heure, on se rend compte que la France entière est totalement débranchée de la machine centrale.
Tout cela n’est pas le fruit du hasard: c’est le résultat des quelques années qui précèdent, pendant lesquelles les artistes, dans le cadre de la Jeune Peinture ou du Grave (Groupe de recherche d’art visuel), vivent en collectif de façon nouvelle, parlent, s’interrogent, contestent, font le lien entre l’art et l’histoire. D’une certaine manière, 68 arrive pour faire la preuve que nous devons obligatoirement avoir un rapport au réel et non plus seulement à l’imaginaire du musée, l’imaginaire de la peinture, la solitude, l’univers indéterminé des formes, la théorisation absolue, la froideur du minimal. Tout cela ne marche plus. Il y a trop de saloperies, trop de guerres (le Viêt-nam »). Nous, jeunes artistes, voulons renouveler à notre tour, comme l’ont fait Jackson Pollock, Franz Kline, etc., dans les années 50, lorsqu’ils ont manifesté une révolte. La révolte est la nature même de l’art puisque l’artiste montre quelque chose qui n’existait pas avant, quelque chose que lui seul peut produire et qui, déjà, fait exemple pour le reste du monde. L’art dit: fais la même chose que l’artiste, en amour, au travail, en vie quotidienne » bouge, cherche, n’aie pas peur du réel. C’est une chance inouïe, un moment béni des dieux, en parfaite correspondance avec cette idée que l’art doit se rapprocher de la vie, comme l’a très bien souligné Marcel Duchamp ou encore Robert Filliou, avec cette phrase extraordinaire: «L’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.»
Mai 68, c’est ça! Les artistes ne sont même plus dans leurs ateliers, ils ne travaillent plus, ils ne peuvent plus peindre parce que le réel est beaucoup plus puissant que toutes leurs inventions. Naturellement, ils deviennent militants, moi le premier. On crée l’atelier populaire des Beaux-Arts et on fait des affiches. Tout le pays est en grève et nous, nous n’avons jamais autant travaillé de notre vie. On est là, nuit et jour, à faire ces affiches. On est enfin nécessaire. On fait des choses qui, dans la minute qui suit, sont collées sur les murs et rendent dérisoires, caduques, toutes les pubs. Marcel Bleustein-Blanchet, le président de Publicis à l’époque, va jusqu’à dire: «Quel dommage que ce Daniel Cohn-Bendit ne soit pas avec nous!» Il a bien compris que toute la puissance de sa géniale publicité est foutue parce que le réel dépasse toutes les imaginations. Quand une affiche dit: «La police vous parle tous les soirs à 20 heures», eh bien, on le croit! On regarde le journaliste à la télé, on le voit avec un casque et on se dit: «Oui, c’est un flic, il ne nous dit que des conneries, ce qu’il nous donne, ce ne sont pas des informations, ce sont des mots d’ordre. Il n’informe de rien du tout, il nous dit ce qu’on doit penser.»
Et puis les années passent et, après l’assassinat de Pierre Overney, nous devenons fous. Nous commençons à tout occuper, à fermer les portes, à faire chier tout le monde. On n’est plus crédible. C’est comme M. Fenouillard qui dit: «Passé les bornes, y a plus de limite.» C’est aussi bête que ça. On ne convainc plus par notre action, on se retrouve isolé ou «groupusculaire» et on devient cinglé. Mon idée, de toute façon, c’est que, dès qu’on a un pouvoir, on devient fou.

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Artiste français, Robert Filliou est né à Sauve (Gard) le 17 janvier 1926 et décédé aux Eyzies de Tayac (Dordogne) le 2 décembre 1987. À l’âge de 17 ans, en 1943, il rejoint la Résistance communiste (FTP). Après la guerre, il part aux États-Unis ; il reste employé chez Coca-Cola pendant deux ans. Il fait alors des études d’économie à l’Université de Californie à Los Angeles, obtenant un MA en 1951. C’est comme économiste qu’il travaille à Séoul (Corée) au service de l’Agence de reconstruction coréenne des Nations Unies, entre 1952 et 1954. Abandonnant alors ses fonctions, il consacre son temps à voyager, séjournant en Égypte et en Espagne. En 1957, il s’installe à Copenhague, où il épouse Marianne Staffeldt. En 1959, il rencontre Daniel Spoerri à Paris qui lui fait connaître l’avant-garde artistique, et l’année suivante Emmett Williams, avec qui il aura une collaboration artistique fructueuse. Il commence à écrire des pièces de théâtre : C’est l’ange, Soumission au possible… Parmi ses première œuvres, l’Étude d’acheminement de poèmes en petite vitesse, qui propose l’envoi par la poste de poèmes-objets, ou La Sémantique Générale, un alphabet illustré, ouvrent sur un territoire original s’étendant entre objets, action et poésie. En juillet 1962, il présente dans les rues de Paris sa Galerie Légitime, contenant des œuvres de Ben Patterson dans une casquette. Après un séjour à New York en 1964, il tient avec George Brecht La Cédille qui sourit à Villefranche-sur-mer, près de Nice, entre juillet 1965 et mars 1968 ; il s’agit pour lui de la première incarnation d’un « Centre international de création permanente ». Si sa participation à Fluxus fut limitée, son œuvre ultérieure en incarne tout l’esprit. De l’Autrisme (« quoi que tu fasses, fais autre chose ») au Principe d’équivalence (entre le « Bien-fait », le « Mal-fait » et le « Pas-fait »), de la Création Permanente au Territoire de la République Géniale, l’art est pour lui l’instrument d’une utopie sociale, valorisant la création dans la vie quotidienne. En 1985, il se retire dans un monastère bouddhiste en Dordogne.

Cursus en 5 ans

 

 

 

 

 

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